Entre égalité homme-femme et sécurité juridique, mieux vaut passer par la loi

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Le nom de famille, attribué par les parents à la naissance, est un élément majeur de l’identité des personnes. Contrairement à une idée très répandue, le nom de famille ne se perd pas, y compris par mariage. Une disposition du projet de loi sur l’égalité entre les hommes et les femmes en cours d’examen au Parlement le rappelle avec force.

Le député Sébastien Denaja a obtenu l’insertion par amendement d’une disposition imposant aux administrations de ne s’adresser aux administrés que par leurs noms de famille, sauf autorisation contraire d’utiliser le nom d’usage. Cette modification est une réaction à une pratique ancienne et fréquente, résumée en un exemple dans l’exposé des motifs de l’amendement : « le formulaire Cerfa 2042 de déclaration des revenus comporte une rubrique – expressément destinée aux femmes jusqu’en 2013, et qui ne l’est plus qu’implicitement depuis cette année – ainsi rédigée : "Si vous souhaitez voir figurer votre nom de naissance sur nos courriers, cochez la case" ».Or, sur le plan juridique, une telle pratique est illégale. Le nom de famille, attribué à la naissance ou après adoption plénière, est le seul pouvant être utilisé par l’administration, selon un texte issu de la Révolution française, toujours en vigueur. L’article 4 de la loi du 16 fructidor an II dispose qu’« est expressément défendu à tous fonctionnaires publics de désigner les citoyens dans les actes autrement que par le nom de famille ». Le nom d’époux ou d’épouse est en revanche un simple nom d’usage, selon le texte même de l’article 225-1 du Code civil (« Chacun des époux peut porter, à titre d'usage, le nom de l'autre époux, par substitution ou adjonction à son propre nom dans l'ordre qu'il choisit. »).Si le droit est si clair à l’égard de cette question, pourquoi une pratique illégale a-t-elle persisté si longtemps ? Sur le plan sociologique et historique, se marier avait pour principale conséquence pour l’intéressée de prendre le nom de son époux. Sur le plan juridique, les deux ordres de juridiction s’accordent à reconnaître l’ineffectivité d’un moyen fondé sur une erreur de nom. La chambre commerciale de la Cour de cassation avait mis fin, par un arrêt du 17 mars 2004, à toute incertitude, en reconnaissant que le respect de l’article 4 de la loi de l’an II n’était pas prescrit à peine de nullité. Suivant la position du juge judiciaire, le Conseil d’État a jugé, dans un arrêt du 7 février 2007, à propos d’un litige avec l’administration fiscale, que si l’administration avait bien violé la loi de l’an II en s’adressant à la requérante en utilisant son nom d’épouse (et donc d’usage), « cette règle n'est pas prescrite à peine de nullité des actes ». Insérer un article imposant à l’administration d’utiliser uniquement le nom de famille ne s’imposait pas juridiquement. Mais face à l’inefficacité des circulaires, que le député Denaja rappelle, le soutien d’un texte de loi récent, et le relai médiatique qu’il augure, pourrait s’avérer utile. Car, si le principe de la sécurité juridique impose que l’utilisation du nom d’usage à la place du nom de famille ne soit pas sanctionnée par la nullité d’une procédure, la faculté de choix ouverte aux époux sur le nom d’usage devra rester une exception. Comme pour la question de l’utilisation du terme « mademoiselle », le nom d’époux restreint les femmes à un rôle mineur dans la famille et la société. Ce qui ne reflète pas leur rôle réel.Le Sénat débutera l’examen du texte en seconde lecture le 17 avril prochain. Sources :