GPA : la Cour européenne des droits de l’homme condamne la France pour atteinte au droit des enfants au respect de leur vie privée

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La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) vient de condamner la France pour son refus de reconnaître la filiation des enfants nés de mère porteuse à l’étranger, au motif que ce refus porte atteinte au droit des enfants au respect de leur vie privée. Une condamnation qui s’appuie sur cette affirmation : « Interdire totalement l’établissement d’un lien de filiation entre un père et ses enfants biologiques nés d’une gestation pour autrui (GPA) à l’étranger est contraire à la Convention ».

La CEDH s’appuie sur l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme relatif au droit au respect de la vie privée et familiale, estimant que ledit article « trouve à s’appliquer dans son volet "vie familiale" comme dans son volet "vie privée" » : « Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ». D’une part, selon elle, « il ne fait aucun doute que les époux Mennesson s’occupent de leurs jumelles comme des parents depuis leur naissance, et que tous les quatre vivent ensemble d’une manière qui ne se distingue en rien de la « vie familiale » dans son acception habituelle ».D’autre part, elle rappelle que « le droit à l’identité fait partie intégrale de la notion de vie privée et qu’il y a une relation directe entre la vie privée des enfants nés d’une gestation pour autrui et la détermination juridique de leur filiation ».Autre argument de la cour : « l’ingérence dans le droit au respect de la vie privée et familiale des requérants que constitue le refus des autorités françaises de reconnaître leur lien de filiation est « prévue par la loi » au sens de l’article 8 ». Elle admet aussi que « l’ingérence litigieuse visait deux des buts légitimes énumérés dans l’article 8 : la « protection de la santé » et « la protection des droits et libertés d’autrui » » et relève que « le refus de la France de reconnaître le lien de filiation entre les enfants nés d’une GPA à l’étranger et les couples ayant eu recours à cette méthode procède de la volonté de décourager ses ressortissants de recourir hors de France à une méthode de procréation qu’elle prohibe sur son territoire dans le but, selon sa perception de la problématique, de préserver les enfants et la mère porteuse ». S’agissant du respect du droit à la vie privée, cependant, la cour note que les jumelles se trouvent dans une situation d’incertitude juridique : « Sans ignorer qu’elles ont été identifiées ailleurs comme étant les enfants des époux Mennesson, la France leur nie néanmoins cette qualité dans son ordre juridique ». La cour considère que « pareille contradiction porte atteinte à leur identité au sein de la société française ». Cette situation d’incertitude se retrouve également dans celle liée à la possibilité de se voir reconnaître la nationalité française, « une indétermination susceptible d’affecter négativement la définition de leur propre identité ». Autre élément en rapport avec la privation de l’identité filiale : l’impossibilité d’hériter si ce n’est qu’en tant que légataires, « les droits successoraux étant alors calculés de manière moins favorable ». Au final, relève la cour, « les effets de la non-reconnaissance en droit français du lien de filiation entre les enfants conçus par GPA à l’étranger et les couples ayant eu recours à cette méthode ne se limitent pas à la situation de ces derniers : ils portent aussi sur celle des enfants eux-mêmes, dont le droit au respect de la vie privée, qui implique que chacun puisse établir la substance de son identité, y compris sa filiation, se trouve significativement affecté. Se pose donc une question grave de compatibilité de cette situation avec l’intérêt supérieur des enfants, dont le respect doit guider toute décision les concernant ». Sources :