Thanatopraxie : une nouvelle définition mais pas de restriction des lieux dédiés à sa pratique

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L’article 52 du projet de loi Santé porté par Marisol Touraine, adopté en lecture définitive par l’Assemblée nationale le 17 décembre 2015, aura occasionné de nombreux remous et discussions, aussi bien dans les hémicycles parlementaires que dans les syndicats des professions des pompes funèbres et les associations catholiques. Si dans sa version finale, il fournit une définition et un cadre juridique à la thanatopraxie, à l’origine, selon l’étude d’impact du projet de loi, il devait en outre encadrer plus strictement cette pratique et imposer sa réalisation dans des lieux dédiés.

Selon l’article 52 du projet de loi Santé qui insère dans le Code général des collectivités territoriales un nouvel article L. 2223-19-1, la thanatopraxie est un soin de conservation qui a « pour finalité de retarder la thanatamorphose [pour une durée de trois semaines, ndlr] et la dégradation du corps, par drainage des liquides et des gaz qu’il contient et par injection d’un produit biocide » (généralement du formol). Cette préservation de l’aspect physique du défunt, en effaçant les stigmates de la mort (masque mortuaire, rigidités, changement du couleur de la peau), permet de le présenter aux familles dans un état proche de ce qu’il était de son vivant, rendant ainsi, selon les termes d’Emmanuel Aubin dans son ouvrage Cimetières, sites cinéraires et opérations funéraires, « le processus de gestion du deuil moins traumatisant ». La thanatopraxie, en tant que soin de conservation, est qualifiée de mission de service public, encadrée par le CGCT (art. R. 2213-2-2 et s.) et est pratiquée par des thanatopracteurs diplômés, dans les chambres mortuaires et funéraires habilitées, ainsi qu’au domicile des personnes défuntes et dans d’autres endroits limités tels que les maisons de retraite. Les lieux dédiés aux soins de conservation aura donc été le point de crispation pour la rédaction de l’article 52 du projet de loi Santé. La première version de celui-ci, qui devait initialement autoriser le Gouvernement à agir par voie d’ordonnance, avait en effet repris les préconisations relatives à la thanatopraxie du rapport de novembre 2012 du Défenseur des droits sur la législation funéraire ainsi que celles du rapport de juillet 2013 de l’Inspection générale des Affaires sociales. Ces deux études ont en effet mis en avant le flou des termes utilisés pour caractériser les différentes sortes de soins pratiqués sur les défunts (tendant à confondre soins de présentation du corps et soins de conservation), la nécessité d’informer plus clairement les familles, les maires et les professionnels de la santé sur ceux-ci, ainsi que les risques sanitaires (infectieux, avec une possibilité de contamination notamment par le virus du sida et l’hépatite B et C, et chimiques) et environnementaux quand pratiqués à domicile. De ce fait, selon l’étude d’impact du projet de loi, ces rapports « converg[ai]ent sur la nécessité de mieux encadrer cette pratique et d’imposer sa réalisation dans des lieux dédiés », ce qui avait abouti à exclure, dans cette première rédaction de l’article 52, le domicile du défunt, et n’autoriser que les « lieux appropriés et équipés », soient les chambres mortuaires et funéraires, dont les 2 000 actuellement en activité en France auraient récupéré les soins de conservation faits à la maison (23 % des cas selon le rapport de l’IGAS). Toutefois, l’interdiction des soins à domicile a été retirée, par l’action d’amendements posés par les sénateurs Jean-Pierre Sueur et Isabelle Debré. Ceux-ci défendaient leur maintien car « contraindre toute la population à pratiquer les soins de thanatopraxie dans des centres spécialisés entraînera des surcoûts importants à la charge des familles [l’une des solutions envisagées était de prendre les dépouilles pour les soins de conservation et les ramener ensuite au domicile, aux frais des familles] et leur retirera la faculté d’honorer leurs morts comme elles le veulent selon des rites funéraires conformes à leurs traditions sociologiques, culturelles ou religieuses », soit des arguments financier et confessionnel. Cette restriction des lieux où pouvaient être pratiqués les soins de conservation était pourtant considérée comme une condition sine qua non à la levée de l’interdiction des soins de conservation sur les personnes infectées par le virus du sida ou par l’hépatite B ou C, car elle permettait de limiter le risque d’exposition aux maladies des thanatopracteurs lors des manipulations de corps, et par la même occasion de mettre fin à une discrimination à laquelle le défenseur des Droits avait demandé à la ministre de la Santé en mars 2014 d’« agir au plus vite ». Celle-ci n’aura donc pas encore lieu, puisque l’article 52 du projet de loi n’insère qu’un article L. 3111-4-1 dans le Code de la santé publique, lequel impose aux thanatopracteurs une simple vaccination contre l’hépatite B… Un retour à la case départ pour certains (dont les thanatopracteurs), un obstacle de moins pour la levée de cette interdiction pour d’autres. Sources :

  • Projet de loi de modernisation de notre système de santé (version adoptée par l’Assemblée nationale le 17 décembre 2015), art. 52
  • CGCT, art. R. 2213-2-2 et s.