Parrainage civil : un engagement symbolique et moral devant le maire

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Parrainage civil, parrainage républicain, baptême civil ou encore baptême républicain, les termes ne manquent pas pour définir cette démarche qui consiste à désigner, la plupart du temps pour un mineur, un ou des parrain(s) et/ou marraine(s). Cette démarche ne doit pas être confondue avec le baptême religieux qui concrétise l’entrée d’une personne dans une communauté religieuse. En effet, le parrainage civil n’a aucune connotation religieuse, il permet uniquement de désigner des parrains et/ou marraines qui s’engagent moralement à suppléer les parents en cas de malheur familial. À noter que ce passage devant l’élu ne présente aucune valeur juridique puisque le parrainage civil n’est encadré par aucun texte législatif.

En effet, pour retrouver trace de cette démarche administrative, il faut remonter à la loi du 20 Prairial de l’an II (8 juin 1794) qui a institué la pratique du parrainage civil par Robespierre. C’est dans ce contexte de Révolution française qu’est apparue la volonté de marquer symboliquement l’entrée dans la vie citoyenne des mineurs. Autant dire que la réglementation en vigueur pour cette démarche est plus que désuète !

C’est pourquoi, depuis plusieurs années, des propositions de loi voient le jour pour tenter d’uniformiser les pratiques. Toutefois, en attendant que l’une d’elles soit adoptée, les maires s’adaptent et instaurent leurs propres règles, ce qui engendre des inégalités et des difficultés dans le traitement des dossiers.

1. Une pratique républicaine sans fondement juridique stable

Le baptême républicain fait partie des quelques démarches administratives comme le certificat de vie maritale par exemple, qui ne sont pas encadrées réglementairement. Ainsi, pour alerter le législateur sur cette faille, deux propositions de lois, rédigées respectivement par les députés Jacques Myard et Richard Maillie, ont été présentées en 2006 et 2008. Ces deux propositions ont les mêmes objectifs : officialiser cette cérémonie et donner des directives claires aux officiers d’état civil sur les conditions à respecter pour célébrer la cérémonie ainsi que le contenu des actes de parrainage civil. Malheureusement, aucune de ces propositions n’a pour l’heure abouti.

C’est pourquoi, face au silence du législateur, les élus posent régulièrement des questions écrites au ministère de l’Intérieur. Ainsi, en 2013, M. Jean-Louis Masson et M. Antoine Lefèvre ont interpelé le ministre sur différents points de divergence et de difficultés :

  • la démarche d’annulation du parrainage ;
  • la possibilité ou non de célébrer un parrainage pour un adulte ;
  • la nécessité d’avoir l’accord des deux parents lorsqu’ils sont séparés ;
  • le nombre de parrains et marraines autorisés ;
  • la domiciliation obligatoire ou non des parents sur la commune de célébration ;
  • la nécessité de la majorité des parrains et marraines.

Ces questions traduisent bien le malaise des élus qui cherchent indéniablement des réponses à leurs questions.

Or, la réponse du ministère de l’Intérieur est plus que déconcertante puisqu’il se contente de rappeler que le baptême républicain n’est prévu par aucun texte et que chaque maire est libre de mettre en place sa propre procédure s’il souhaite les célébrer.

Dans ce contexte, les maires se trouvent dans l’obligation de palier les manques de la réglementation. C’est pourquoi, à défaut de procédure uniformisée, des difficultés et des inégalités de traitement peuvent apparaître dans les communes.

2. Quand les maires comblent les vides juridiques

À l’heure où les administrations prônent l’égalité de traitement des demandes, le parrainage républicain vient défrayer la chronique en instaurant le libre arbitre, chacun mettant en place ses propres règles ! Aussi, lorsque certains refusent tout simplement de les célébrer, d’autres tentent, en l’absence de directives, d’instaurer des conditions sans fondement juridique.

Ainsi, lors de la constitution du dossier de parrainage républicain, les parents doivent remplir un formulaire qui récapitule des informations relatives à leur état civil, leur domicile, leur profession, les noms, prénoms, professions et domiciles du ou des parrain(s) et marraine(s) et enfin la date et l’heure de la cérémonie souhaitées.

Toutefois, ce formulaire peut être plus ou moins long en fonction des conditions mises en place par la commune. Pendant que certaines demandent l’âge du ou des parrain(s) et/ou marraine(s) car elles refusent qu’ils soient mineurs, d’autres vont s’attarder sur le domicile des parents car elles exigent que les demandeurs habitent dans leur commune. La même irrégularité apparaît dans la liste des pièces à fournir. En effet, pour obtenir les informations relatives à l’état civil des mineurs, certaines se contentent d’une simple déclaration sur l’honneur des parents, tandis que d’autres demandent le livret de famille, et que certaines vont même jusqu’à exiger la copie intégrale de l’acte de naissance du mineur !

La cérémonie n’échappe pas à cette règle du libre arbitre puisque son déroulement reste à la discrétion des élus qui, souvent, donnent un caractère solennel en faisant un petit discours sur les valeurs républicaines. Certains vont jusqu’à délivrer un acte de parrainage républicain alors que d’autres ne délivrent aucun document. Toutefois, il est important de noter que cet acte ne doit en aucun cas être imprimé sur des feuillets état civil ni être annexé au registre état civil puisqu’il n’a aucune valeur. Certaines mairies archivent une copie de ces documents dans un classeur alors que d’autres n’en gardent aucune trace. Ainsi, il n’existe pas de règle stricte, ni généralisée en la matière au point que certaines exigences dans une mairie peuvent être ignorées dans une autre !

Outre cet aspect purement administratif, les officiers d’état civil se retrouvent parfois dans une situation délicate face à des usagers qui souhaitent par exemple effectuer cette cérémonie de parrainage pour un adulte ou pour une personne sous tutelle ou curatelle. Dans ces cas, ils n’ont aucun moyen d’expliquer la raison d’un éventuel refus à part d’évoquer la décision du maire qui peut parfois être perçue, par les administrés, comme une discrimination.

Enfin, malgré ces nombreuses différences, il est important de souligner qu’il existe tout de même un point sur lequel toutes les mairies s’accordent : le discours tenu aux parents pour expliquer l’objectif de ce parrainage républicain. Ainsi, toutes insistent sur le caractère purement formel et donc symbolique de ce parrainage et sur son absence de valeur juridique. Certains parents sont, d’ailleurs, surpris par cette révélation car en règle générale, le passage devant le maire revêt un caractère officiel ! C’est pourquoi, il est d’autant plus important d’insister sur le fait que les parrains et/ou marraines désignés par ce biais, n’auront, en cas de décès des parents, aucun droit sur les enfants puisqu’aux yeux de la loi, le parrainage républicain n’a aucune valeur. D’ailleurs, conformément à l’article 403 du Code civil, seul le choix d’un tuteur fait par testament ou déclaration spéciale auprès d’un notaire par les parents a une valeur juridique.

Toutefois, certains cas de jurisprudence démontrent que le parrainage civil peut orienter le juge dans sa décision finale puisqu’à titre d’exemple, la chambre de la famille de la cour d’appel de Rouen a accordé dans un arrêt en date du 28 février 2008 un droit de visite au parrain et à la marraine au vu des liens forts qu’ils avaient avec l’enfant depuis plusieurs années. Il peut également être pris en considération par le juge des tutelles lors de la constitution des membres du conseil de famille ou encore lors de la désignation d’un tuteur lorsqu’il s’intègre dans un faisceau d’indices. Ainsi, bien que l’engagement des parrains et ou marraines soit symbolique, le parrainage civil peut être un élément démontrant le lien entre l’enfant et des tiers.

Force est de constater qu’il serait urgent que le législateur se penche sur cette démarche pour, d’une part, offrir aux citoyens un document officiel et, d’autre part, proposer une procédure claire aux officiers d’état civil. En effet, ce libre arbitre engendre parfois des interprétations surprenantes puisque dans certaines communes le parrainage républicain permet de nommer un parrain ou une marraine aux personnes en situation précaire et sans-papiers, l’objectif étant de mettre en relation un citoyen français et un résident étranger. Le parrainage républicain revêt, dans ce cas, une dimension politique étrangère au fondement initialement pensé par Robespierre.

Sources :