Reconnaître son enfant né sous X permet-il de le récupérer ?

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Pour la première fois, le juge judiciaire a accepté qu’un enfant né sous X, mais reconnu a posteriori par son père, le rejoigne. La décision du juge du fond n’est pas encore définitive, puisque le délai d’appel n’est pas encore écoulé, et pourtant elle crée un précédent unique.

Unique car les décisions en matière de reconnaissance d’un enfant né sous X ne sont pas nombreuses et presque toujours infructueuses. Seule une décision de la Cour de cassation d’avril 2006 donnait raison au père d’un enfant. Point crucial, en l’espèce, le père avait reconnu l’enfant avant sa naissance, ce qui avait permis d’écarter les arguments en faveur de son placement.Le cas d’espèce tranché par le juge en 2014 est également très particulier. Un couple non marié prévoit d’avoir un enfant mais se sépare pendant la période de la grossesse. La mère décide d’accoucher sous X, et à l’issue du délai de rétractation de cette décision, l’enfant est admis comme pupille de l’État. Entre-temps, il avait été placé dans une famille d’accueil par le conseil général. Le père, après avoir appris la naissance, reconnaît l’enfant auprès du procureur de la République, mais le temps long de l’administration s’accorde peu avec les conditions du placement. Ce n’est qu’après l’expiration du délai de rétractation de la mère que le père a pu faire valoir ses droits sur l’enfant.Le juge du fond a tranché en sa faveur. Sur les faits de l’espèce tout d’abord, l’instruction a révélé la réalité du projet commun de concevoir un enfant. Si le simple concubinage du couple ne permettait pas au père de bénéficier de la présomption de paternité, la conception de l’enfant lui donnait naturellement cette fonction. Cette « reconnaissance implicite » en quelque sorte, bien que sans valeur juridique, a permis de donner plus de poids à la reconnaissance entamée après la naissance de l’enfant. En outre, permettre à l’enfant de connaître ses parents est un des droits qui lui est reconnu par la convention de New York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l’Enfant. L’article 7.1 du texte stipule en effet que « l’enfant est enregistré aussitôt sa naissance et a dès celle-ci le droit à un nom, le droit d’acquérir une nationalité et, dans la mesure du possible, le droit de connaître ses parents et d’être élevé par eux. » Pleinement applicable en droit interne après sa ratification et sa publication le 8 octobre 1990, la convention doit être respectée.Si le conseil général renonçait à faire appel, les conséquences de ce jugement pourraient également concerner les agents d’état civil. En effet, la reconnaissance étant effectuée devant tout officier d’état civil, celui-ci pourra, si ce n’est conseiller, au moins rassurer un père placé dans une situation similaire. Pour les services sociaux en revanche, la tâche s’annonce plus délicate. Si l’intérêt de l’enfant prime, du fait de la valeur supra-législative de la convention des droits de l’Enfant, est-il assuré par le placement ou par la restitution à son père, à condition que la justice l’ait reconnu ainsi ? La réponse pratique à cette question dépend des circonstances… mais s’accommode mal du temps procédural. Source :