L’enregistrement des faits d’état civil : un défi majeur pour le développement du continent africain

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En Afrique, selon l’UNICEF, près de 50 % des individus ne sont pas enregistrés à l’état civil. Reconnue comme « nécessité fondamentale pour la souveraineté des nations » (Déclaration de Yamoussoukro, février 2015) et facteur de succès dans l’atteinte des objectifs fixés par l’Agenda 2063, l’amélioration des systèmes d’enregistrement des faits d’état civil est prise à bras le corps par les pays du continent africain.

En effet, que ce soit en matière de protection des populations, de réduction des inégalités ou de prospérité économique, de nombreux enjeux reposent l’enregistrement des naissances, décès, mariages et divorces (1). Nous nous concentrerons ensuite sur deux initiatives assez différentes mais toutes deux ayant pour objectif d’améliorer le système d’enregistrement des faits d’état civil, la première Sénégal, la seconde en Ouganda (2). 1. Les enjeux de l’enregistrement des faits d’état civil en Afrique L’enregistrement des faits d’état civil est devenu une préoccupation de premier ordre sur le continent africain. En témoignent la mise en place, par les Nations Unies, d’un « programme africain d’amélioration accélérée des systèmes d’enregistrement des faits d’état civil et d’établissement des statistiques de l’état civil » (APAI-CRVS) et le lancement depuis 2010 d’une Conférence des ministres africains responsables de l’enregistrement des faits d’état civil (la troisième et dernière édition en date s’est tenue les 12 et 13 février 2015 à Yamoussoukro, en Côte d'Ivoire). Car l’amélioration des systèmes d’état civil est considérée comme permettant l’avènement d’une société plus juste (1.1) et plus prospère (1.2). 1.1. Pour une société plus juste L’un des bénéfices de l’amélioration de l’enregistrement des faits d’état civil est de pouvoir réaliser des statistiques, permettant à leur tour de produire les politiques éducatives, sociales et de santé les plus pertinentes. Ces statistiques sont également nécessaires pour pouvoir anticiper les flux migratoires des zones rurales vers les zones urbaines et réaliser les infrastructures indispensables à l’accueil et l’accompagnement des populations. L’enregistrement à l’état civil et la délivrance d’un acte de naissance permettent aussi de protéger les populations les plus faibles et sujettes aux discriminations. Il s’agit en effet de préalables indispensables à la mise en place de politiques de protection contre les mariages précoces, le travail des mineurs et le commerce humain. 1.2. Pour une société plus prospère La modernisation des systèmes d’état civil est également un facteur de développement économique. Tout d’abord, les investissements publics précédemment évoqués conduisent nécessairement à la création d’emplois pour les populations locales. Ensuite, grâce aux statistiques vitales ainsi établies, les structures privées et les institutions financières disposent de données leur permettant de décider la réalisation d’investissements. S’agissant enfin de l’économie publique proprement dite, l’augmentation du nombre d’individus recensés a également un impact en termes de prélèvement de l’impôt car elle permet d’élargir les assiettes fiscales. 2. Focus sur deux initiatives d’amélioration du système d’enregistrement des faits d’état civil Différentes initiatives, souvent financées avec l’aide de programmes régionaux ou internationaux, voient progressivement le jour sur le continent africain. Nous avons choisi de nous arrêter sur deux d’entre elles : la vaste opération de modernisation de l’état civil sénégalais (2.1) et la plus modeste, mais non moins intéressante, expérimentation de la technologie mobile pour la déclaration des naissances en Ouganda (2.2). 2.1. Régularisations massives, campagnes de sensibilisation, réglementation et informatisation au Sénégal Grâce à l’appui de l’Union européenne, qui finance le projet à hauteur de plus de 3 milliards de Francs CFA, le Sénégal a pu lancer un vaste programme de modernisation de son système d’état civil. La première phase du programme, qui a démarré en 2013, a permis la réalisation de nombreuses actions, entre autres : la création d’un projet de Code de l’état civil, le déroulement d’actions de sensibilisation auprès de la population en partenariat avec les maisons de justice, la restauration ou la reconstitution de registres endommagés ou détruits ainsi que la régularisation de 26 000 élèves du cycle primaire alors non déclarés à l’état civil. La deuxième phase, lancée en juillet 2015, est quant à elle plus spécifiquement axée sur la réglementation et l’informatisation de l’état civil. Ainsi, l’objectif est de finaliser et de faire adopter le corpus de textes régissant l’état civil, mais aussi d’équiper informatiquement quelque 60 centres d’état civil pilotes et de procéder à la numérisation des registres afin d’assurer leur conservation. 2.2. L’utilisation des technologies mobiles pour la déclaration des naissances en Ouganda Outre le défaut de sensibilisation des populations, les freins à la déclaration des naissances résident souvent dans les distances souvent longues à parcourir pour atteindre le premier centre d’état civil et l’utilisation de la langue officielle dans les formulaires. Pour lever ces obstacles, le Gouvernement ougandais, avec le soutien de l’UNICEF et du secteur privé (Uganda Telecom), a expérimenté dès 2013 l’utilisation du téléphone portable pour l’enregistrement des naissances par l’intermédiaire d’une solution baptisée MobileVRS. Le système est très simple : il suffit que la mère signale une naissance à un notifiant local du Gouvernement juste après l’accouchement ou dès lors qu’elle se rend à l’hôpital avec son enfant (pour les premiers vaccins par exemple). Les informations, envoyées par un simple SMS crypté sont ensuite transférées vers une application une base de données gouvernementale. Après vérification par un responsable administratif de l’hôpital, un certificat de naissance officiel est imprimé et remis à la personne déclarante. L’utilisation de cette technologie, qui a permis à certains villages ougandais d’aller vers un taux d’enregistrement des naissances de presque 100 %, a depuis été étendue au Mozambique, au Burkina Faso et au Nigeria. Sources :