L’état civil français bientôt intégré dans la blockchain ?

Par Jean-Philippe Borel

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L'informatisation des services de l'état civil se développe depuis plusieurs années dans la double perspective de moderniser le fonctionnement interne des services et d'améliorer le service rendu au citoyen.

Cette procédure tend à se généraliser y compris dans les plus petites communes.

Le projet de loi Darmanin intitulé « pour un État au service d’une société de confiance » s'inscrit dans cette continuité, avec pour objectif de faciliter les relations entre l'administration et les usagés. Que prévoit-il en matière d’état civil ?

L'article 24 du projet de loi vise ainsi à opérer une dématérialisation de l’établissement, de la conservation, de la gestion et de la délivrance des actes de l’état civil dont le service central d’état civil du ministère des Affaires étrangères et les autorités diplomatiques et consulaires sont dépositaires.Pour rappel, les actes de l'état civil sont des actes authentiques constatant les actes ou faits juridiques relatifs à l'état des personnes et ont une force probante.Autrement dit, ils font foi et ne peuvent être remis en cause que dans le cadre d'une procédure judiciaire. Cette force probante ne concerne que les énonciations qui ont été vérifiées par l'officier d'état civil et non les déclarations du ou des comparants.Cette dématérialisation doit néanmoins s'effectuer dans des conditions garantissant la sécurité, l’intégrité et la confidentialité des traitements automatisés des données de l’état civil.À ce titre, Laure de La Raudière, députée Les Républicains de la 3ᵉ circonscription d’Eure-et-Loir, a présenté le 13 mai dernier l’amendement suivant : « Les opérations effectuées au sein d’un système organisé selon un registre décentralisé permanent et infalsifiable de chaîne de blocs de transactions constituent des actes authentiques au sens du deuxième alinéa de l’article 1317 du Code civil. L’Autorité des marchés financiers habilite le système répondant aux conditions de sécurité et de transparence définies dans un décret pris en conseil d’État. »Selon le site Blockchain France, la blockchain est une technologie de stockage et de transmission d’informations, transparente, sécurisée, et fonctionnant sans organe central de contrôle.Selon la députée, l'objet de cet amendement est de considérer que les opérations utilisant la technologie dite de la « blockchain » constituent des actes authentiques électroniques de la même manière que les actes passés devant notaires.Cette question n'est pas nouvelle, car soulevée à propos de la signature électronique des actes notariés.Un projet d'amendement présenté, par la même députée, le 13 mai 2016, dans le cadre de la loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et la modernisation de la vie économique prévoyait que « les opérations effectuées au sein d'un système organisé selon un registre décentralisé permanent et infalsifiable de chaîne de blocs de transactions constituent des actes authentiques au sens du 2e alinéa de l'article 1317 du Code civil… »En la matière, les partisans de la blockchain affirment qu'elle remplacera le notaire pour la conclusion des transactions immobilières ou encore pour en conserver et délivrer les actes.Cet amendement a été finalement retiré.Quid en matière d'état civil?Pour rappel, l'état civil est un service public communal placé sous l'autorité judiciaire en la personne du procureur de la République.L'amendement qui rappelle la force probante ne précise pas les conditions dans lesquelles l'acte est constitué.Si la blockchain peut garantir l'origine des informations et de leur date, l'officier d'état civil joue un rôle non négligeable dans l'appréciation du consentement et de la capacité des parties à l'acte.C'est pourquoi la blockchain doit se réduire à un outil de dématérialisation sans pour autant se substituer à l'autorité de l'État.